10 décembre 2014 | par Marc Fressoz
Quand des élus lient la libéralisation de l’autocar à celle du train
Présenté en conseil des ministres le 10 décembre 2014, le projet de loi Macron prévoit une libéralisation de l’autocar qui ne fait pas l’unanimité. Certains élus et professionnels redoutent que sans garde-fou, TET et TER s’en trouvent menacés. A moins de permettre au rail de baisser ses coûts en expérimentant la concurrence. Le PS Gilles Savary et l’UMP Dominique Bussereau, présents au colloque de l’association TDIE, sont sur la même ligne.
La libéralisation brutale du transport par autocar longue distance n’est pas encore acquise si l’on écoute les élus et professionnels qui s’exprimaient lors du stimulant colloque organisé par l’association TDIE le 9 décembre 2014 sur le thème “Financement des transports terrestres : la fin d’un modèle, et ensuite ? “ Car, l’esprit du projet de loi Macron est loin de faire l’unanimité chez certains élus influents sur les questions de transports. « Il y aura beaucoup d’amendements », prédit-on côté patronal.
« Il faut faire attention à la libéralisation des autocars par rapport au rail », prévient le député UMP, Dominique Bussereau. L’ex-secrétaire d’Etat aux Transports apporte, par ailleurs, un bémol à la libéralisation des autocars. En effet, cette mesure irait à l’encontre de la doctrine prônée par les pouvoirs publics : tendre à faire payer l’usage des infrastructures par ses utilisateurs. "Quand on va utiliser l’autocar, il circulera sur des routes sans péage, alors qu’avec l’écotaxe on aurait pu le faire participer“, souligne-t-il.
Contre une libéralisation débridée
Sur le fond, la Fnaut, qui représente les usagers, partage la même position que l’élu. “Nous sommes favorables à la libéralisation de l’autocar mais pas à l’open access qui déstabilise toutes les liaisons en place", résume son vice-président Jean Lenoir.
Pour souligner ce risque, Jean-Marc Janaillac, p-dg de Transdev, groupe multimodal opérateur à la fois de cars longue distance via Eurolines et de trains, met en avant la décision prise récemment par le groupe en Allemagne : le sabordage de son train Liepzig-Rostock opéré en open access. « Cette ligne va fermer, car nous avons en face de nous, dix compagnies d’autocars qui ne paient pas l’autoroute et qui proposent à leurs clients, un tarif de 10 euros alors que notre train acquitte une péage ferroviaire qui revient à 12 euros par voyageur. Comment lutter avec nos meilleurs tarifs à 20 euros ? », interroge-t-il.
Ne pas tuer le train en le livrant comme proie à un autocar débridé, semble être le consensus qui se dégage : « Je ne suis pas un archéo, je ne m’oppose pas au développement des autocars ou du covoiturage, mais j’aimerais que les régions puissent être considérées comme autorités organisatrices des TER mais aussi des autocars interurbains », demande Jacques Auxiette, président de la commission ferroviaire de l’Association des régions de France. L’élu s’élève contre toute « concurrence intermodale » à sens unique.
Et la libéralisation du train ?
La seconde idée qui chemine, revient ainsi à établir une symétrie de situation entre autocar et train. “On ne peut pas ouvrir l’autocar à la concurrence et continuer à verrouiller le rail, ce serait un contresens total« , avance Jean Lenoir. Une voie dans laquelle s’engouffre naturellement Dominique Bussereau. »Je reste partisan de la méthode Haenel qui consiste à décentraliser et à expérimenter. Je pense qu’il faut rapidement expérimenter une ouverture à la concurrence pour le TER ou les TET. On peut faire baisser les coûts de 40%« , estime-t-il avec optimisme. Membre de la commission Duron chargée de réfléchir à l’avenir des TET, l’élu charentais prédit que »le transport avec le TER sera au cœur de la campagne des régionales de 2015“.
“J’étais favorable à une ouverture à la concurrence de façon expérimentale, mais lorsqu’on a commencé à discuter la loi de la réforme ferroviaire avant l’été, il y avait des fumerolles un peu partout", intervient Gilles Savary, rapporteur PS de la loi à l’Assemblée. A ses yeux, ouvrir les vannes aux autocars relève “davantage d’une forme de darwinisme que de l’idée de réforme ”.
Et d’enfoncer le clou en rappelant la “schizophrénie, maladie grave“ qui consiste à ce que le groupe ferroviaire français SNCF aille partout en Europe tout en verrouillant le marché. « C’est quand même formidable qu’un groupe français comme Transdev qui opère des trains ailleurs, soit interdit dans son propre pays », s’exclame le parlementaire. Ce n’est évidemment pas son collègue PS, Jacques Auxiette favorable à l’ouverture qui le contredira.
Reste un détail : convaincre les syndicats cheminots et les frondeurs, l’aile gauche du PS à l’Assemblée…C’est une autre affaire.
Marc Fressoz
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